C’est suite à “L’enquête exploratoire sur les savoirs et pratiques de la géobiologie dans l’espace Alpin” menée par Claire Revol et son équipe en 2021 (voir notre article précédent : “La géobiologie à la loupe des sciences humaines – partie 1” publié sur ce blog en date du 17 mars 2023), qu’une nouvelle collaboration, toujours dans un cadre de recherche en science sociale, a pu être amorcée en 2022 entre des géobiologues et les chercheurs. L’idée de cette nouvelle collaboration étant, pour les chercheurs, de mieux appréhender l’univers des géobiologues, de mieux comprendre leurs gestes, de voir quelles parts de notre monde , de notre environnement, tentent – ils de décrire. Cette collaboration s’est inscrite dans l’exercice d’une thèse en architecture.
L’objet d’étude était très spécifique : un lotissement au sud de Grenoble. Ce lotissement d’à peine deux hectares comprend une quarantaine de maisons construites majoritairement dans les années 80. Ce lotissement est situé dans le bassin chimique de la métropole alpine, entouré de quelques industries du chlore et surplombé de lignes très haute tension provenant des centrales hydroélectriques sud – alpine. Dit comme ça, ce n’est pas un lotissement pour lequel on se dirait facilement “qu’il doit y faire bon vivre”. Cependant, des gens y vivent et certains depuis longtemps.
Comment aborder un tel endroit en tant que géobiologue ?
À plusieurs c’est plus facile.
Audrey Lechémia-Vignon et Laurent Massini n’ont pas été durs à convaincre pour former équipe avec moi et se lancer dans cette expérience, cette aventure. Même si Laurent Massini est habitué aux grandes surfaces dans son travail en géobiologie de vignobles, il ne l’est pas plus que nous concernant des lotissements de quarante maisons, avec trois lignes électriques THT griffant le ciel. Ils nous a fallu réfléchir à notre approche, à notre méthode de travail, à ce que nous voulions rendre comme type d’analyse. Il a été évident pour nous trois que nous ne pourrions pas aborder cet endroit comme d’habitude d’autant que nous avions une contrainte certaine définie par les chercheurs : 2 jours sur place, pas davantage.
Pour nous cette étude s’est avérée être un véritable terrain de jeu, nous permettant une analyse de site comme jamais nous n’en avions fait ! C’était l’occasion de se lancer dans une démarche
rigoureuse. Nous avons donc proposé aux chercheurs une étude en 4 volets:
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- Étude géobiologique (tellurique)
- Étude électro-technique basse fréquence (mesure des champs électriques et magnétiques basse fréquence provenant des lignes haute tension)
- Étude électro-technique haute fréquence
- Étude électro-statique (mesure du champ magnétique naturel)
Dans notre cas d’étude et, sur les volets techniques, nous avons décidé de fixer 49 points de mesure (grille de 7×7) recouvrant la surface totale du lotissement. In situ, nous avons été contraints d’adapter ces 49 points en fonction des possibilités et impossibilités (certains lieux étaient inaccessibles, propriétaires absents, etc…). Nous sommes arrivés à 45 points de mesure dont nous avons pris précisément les coordonnées GPS. Ces 45 points auront servis pour toutes les mesures techniques.
La méthode
L’étude géobiologique
Nous avons pris le parti de concentrer l’analyse géobiologique sur les phénomènes telluriques (provenant de la nature du sol et du sous-sol géologique), en relevant sur la zone délimitée les « rayonnements » majeurs (« effets » de failles géologiques, circulation d’eau souterraine). Ont été alors exclus du champ d’investigation tous les autres phénomènes non telluriques sur lesquels la géobiologie exerce aussi son expertise (réseaux géomagnétiques, vibration du lieu, phénomènes vibratoires spécifiques, mémoires des lieux, présences, etc.).
De plus, la surface de la zone de travail ne permettait pas une étude des rayonnements telluriques les plus fins comme habituellement recherchés pour une maison d’habitation. Il a été nécessaire de calibrer l’investigation géobiologique sur les phénomènes majeurs, les plus larges, traversant la zone pavillonnaire. Le relevé des rayonnements a été opéré par les techniques habituelles utilisées en géobiologie : détection sensible ou perception biophysique ou radiesthésie. C’est donc par la sensibilité naturelle du corps humain et par la connaissance et la maîtrise des outils de détection, qu’un relevé a pu être réalisé.
Nous avons démarré par un travail à distance afin de “capter” les informations les plus fortes venant du lotissement.
Puis, le 27 Février 2023 le travail d’étude in situ a été réalisé. Il a débouché sur le relevé concret des rayonnements telluriques, en précisant la situation réelle des phénomènes, leur nocivité, leur nature. Les points de marquage (mini-jalons colorés) des rayonnements détectés ont été triangulés afin de pouvoir les resituer le plus précisément sur un plan à l’échelle.
Nous avons ainsi pu relever plusieurs phénomènes telluriques majeurs ( six au total) qui croisent sous ce lotissement: des failles géologiques (dont certaines répertoriées par le BRGM) et des circulations d’eau souterraine.
L’étude Électro-technique basse fréquence
Le lotissement est surplombé de trois lignes THT qui le traversent dans un axe global sud-est/nord-ouest : une ligne de 225 kV au sud, une ligne de 63 kV au centre, une ligne de 400 kV au nord. En réalisant l’analyse environnementale du site nous nous sommes rendu compte que des mesures officielles de champ BF avaient déjà été conduites en 2015 par RTE. RTE a choisi deux points de mesure dans ce lotissement. Ces mesures ont été faites un 22 avril donc, période ne représentant pas une forte charge sur les lignes électriques. Les résultats de RTE affichent des valeurs comprises entre 0,16 μT (160 nT) et 0,38 μT (380 nT).
Sur chaque point (45), une mesure de champ électrique 50 Hz et une mesure de champ magnétique 50 Hz a été réalisée (l’appareil utilisé mesurant simultanément les deux ondes formées) le lendemain de l’étude géobiologique. Les mesures EM 50 Hz ont été réalisées avec le mesureur professionnel ESM-100 MASCHEK (calibration 2022), sur trépied, avec logiciel d’acquisition dédié.
Concernant les champs électriques 50 Hz, les valeurs mesurées sont comprises entre 1,85 V/m pour la valeur la plus basse et 459,16 V/m pour la valeur la plus haute. Dans le détail:
- Nombre de valeurs comprises entre 0 et 10 V/m = 15,56 %
- Nombre de valeurs comprises entre 10 et 50 V/m = 35,56 %
- Nombre de valeurs comprises entre 50 et 150 V/m = 28,89 %
- Nombre de valeurs supérieures 150 V/m = 20,00 %
L’ensemble des points et des valeurs mesurées a permis d’élaborer une image colorimétrique des champs électriques alternatifs 50 Hz. La colorimétrie (l’échelle de couleurs) produite est basée sur les recommandations en habitat sain et non sur les normes légales. Cette image permet de constater que la ligne qui est la plus impactante pour ce lotissement est la ligne 225 kV. On voit également que les points chauds (les valeurs les plus fortes) sont bien sous la ligne haute tension.
Simultanément à la mesure des champs électriques, des valeurs de champs magnétiques 50 Hz ont été relevés au mêmes points de référence. Cette mesure a révélé des valeurs de champs magnétiques comprises entre 231,98 nT (nano Tesla) et 815,89 nT.
En détail:
- Nombre de valeurs comprises entre 0 et 200 nT = 48,89 %
- Nombre de valeurs comprises entre 200 et 400 nT = 37,78 %
- Nombre de valeurs comprises entre 400 et 600 nT = 4,44 %
- Nombre de valeurs supérieures à 600 nT = 8,89 %
Nous pouvons conclure que, dans tous les cas, les valeurs mesurées en champ électrique et magnétique 50 Hz sont bien en-deçà de la norme légale. Cependant, une grande majorité de ces mesures dépassent les recommandations en habitat sain. Reprécisons que toutes ces mesures ont été réalisées en extérieur à 1m50 du sol. Dans les étages des habitations, plus proche des lignes, les valeurs pourraient être multipliées pas deux voire trois à certains endroits !
L’étude électro-technique haute fréquence
Sur ces mêmes points, des mesures de champs électromagnétiques haute fréquence (100 kHz à 6Ghz – mesure sur 2 minutes) ont été réalisées avec le mesureur professionnel SMP2 de chez WaveControl (calibration 2022). De façon relativement inhabituelle, les mesures des champs électromagnétiques haute fréquence n’ont révélées que des valeurs d’exposition extrêmement faibles. En effet, sur l’ensemble des 45 points les valeurs sont comprises entre 0,02 V/m et 1,31 V/m. L’analyse HF montre que toutes les mesures, sans exception, sont bien en deçà de la réglementation en vigueur. Chaque point moyenné répond également à la recommandation la plus basse (points rouges sur le graphique ci-dessous). Quelques points, en valeur maximum enregistrée (points jaunes), dépassent la recommandation haute de 0,6 V/m.
Le détail des valeurs crêtes:
- 89,13 % des mesures sont en – dessous de 0,6 V/m
- 6,52 % des mesures sont comprises entre 0,6 V/m et 1 V/m
- 4,34 % des mesures dépassent 1 V/m
Voici le résultat sous forme graphique :
L’étude électro-statique
Il nous est apparu pertinent, de profiter de ce terrain de jeu, pour réaliser une mesure du champ magnétique terrestre. Pour les géobiologues, les anomalies du champ magnétique terrestre représentent des zones de perturbation pour l’homéostasie, soit par effet direct de la variation du champ magnéto – statique soit par effet indirect de l’origine géologique de l’anomalie différence de matériaux géomagnétique, présence d’eau ou de corps liquide). Cette relation entre santé et anomalies du champ magnéto – statique est connue de beaucoup de géobiologues cependant, peu d’études, peu de mesures démonstratives ont été réalisées. L’objectif de cette mesure spécifique était de répondre à plusieurs questions :
- Pourrait-on observer une relation entre les phénomènes telluriques révélés en détection sensible et les variations du champ magnétique naturel ?
- Pourrait-on observer une modification du champ magnéto – statique en fonction des infrastructures électro-techniques (notamment aux endroits des pylônes des lignes THT) ?
Comme pour les mesures précédentes, nous avons opérer, sur les 45 points référencés une mesure de champ magnétique naturel. cette mesure a été réalisée avec le 3D GEOMAG de chez Rom Elektronik.
Les valeurs de champ magnétique mesurées restent habituelles. Elles oscillent entre 40 745 nT pour la valeur la plus basse jusqu’à 50 704 nT pour la valeur la plus haute. La moyenne sur les 45 points étant de 46 445 nT. L’intérêt de cette étude est de pouvoir observer des variations intenses sur une courte distance. Le mesure du champ statique a été réalisée sur 3 axes (X, Y et Z). Les trois axes montrent des variabilités différentes sur la zone d’étude. Les valeurs des 3 axes forment la composante T qui est représentée ci-dessous, superposée à la photo aérienne du site. On y voit assez clairement les variations intenses du champ magnéto – statique :
En superposant la composante T et le plan de détection il semble apparaître une corrélation entre les phénomènes détectés par technique de détection sensible et l’abaissement physique du champ magnétique terrestre. On y voit assez clairement par exemple, que les affaiblissement en ligne du champ magnétique semblent correspondre aux rayonnements détectés les plus forts (n°1, n°2 et n°3….le n°4 semble bien visible également).
Cependant, aucune influence des lignes THT sur le champ magnéto – statique n’est observable ici :
Toutes les informations délivrées dans ce post, comme toutes les images, sont tirées d’un rapport d’étude complet que nous ne pouvons rendre public à l’heure de cette publication, le travail des chercheurs n’étant pas terminé. Cependant, nous pourrons transmettre une copie de ce rapport aux personnes intéressées. N’hésitez – pas à en faire la demande à rf.ei1732157230goloi1732157230boeg@1732157230tcatn1732157230oc1732157230.
Le travail des chercheurs aboutira quant à lui à un livre retraçant les résultats de leur longue enquête.
article rédigé par Bruno Monier – géobiologue et formateur agréé FFG